Keren Ann & Quatuor Debussy : résonances intimes
De La Biographie de Luka Philipsen, à l’orée du nouveau siècle, jusqu’à You’re Gonna Get Love en 2016, Keren Ann aura parcouru tout le nuancier du songwriting et sans cesse renouvelé son empreinte musicale. La plus française des chanteuses internationales – ou l’inverse – est autant connue pour ses mélodies gracieuses enlacées par des cordes que pour ses folksongs dépouillés d’artifices. Alors que le public la découvrait à travers son travail avec Benjamin Biolay et la reprise de sa chanson « Jardin d’hiver » sur Chambre avec vue, album qui allait valoir deux Victoires de la musique à Henri Salvador, elle allait élever son écriture à chaque nouvel étage à venir de sa carrière. C’est en 2002 que La disparition lui ouvre les portes du succès, avec des titres marquants comme « Au coin du monde » et « La corde et les chaussons ». La voilà ensuite qui s’embarque en langue anglaise sur Not Going Anywhere avant de mélanger les deux sur Nolita. Entre-temps, elle fonda le duo Lady and Bird avec le musicien islandais Barði Jóhannsson, début d’une vaste série de collaborations et de projets. De Vincent Delerm à Emmanuelle Seigner en passant par des BO de films, des musiques pour le théâtre et l’opéra, rien ne lui semblera jamais impossible et tout lui offrira matière à nourrir son art. On la retrouvera plus rock sur Keren Ann, plus pop sur 101, et désormais bien accrochée à la langue de Shakespeare, comme si la chanteuse s’était épanouie dans sa quête d’universalité, conférant par la même occasion une féerie nouvelle à ses compositions. Jusqu’à You’re Gonna Get Love, son œuvre musicalement la plus ample, la plus soyeuse et surtout, la plus proche du modèle idéal de songwriting à l’américaine, avec Leonard Cohen, Joni Mitchell et Randy Newman comme figures tutélaires.
In Your Back - Keren Ann avec le Quatuor Debussy
Son riche parcours ponctué de sept albums et d’expériences au nombre plus difficilement calculable, permet à Keren Ann de papillonner avec aisance sur les scènes du monde entier, se posant seule avec une guitare un soir, entourée d’un groupe une autre fois, portée par un grand orchestre lors des occasions de gala. Les Lyonnais du Quatuor Debussy, ouverts à tous les répertoires depuis maintenant vingt-huit ans, ne pouvaient manquer l’occasion de se frotter un jour à celui d’une grande compositrice pop. Ce fut chose faite à l’automne dernier et à domicile, à la Chapelle de la Trinité dans la capitale des Gaules. La seconde rencontre – et première parisienne – entre les cordes de la guitare de Keren Ann et celles du quatuor a lieu dans le cadre du présent festival Days Off. Deux violons, un alto et un violoncelle, il n’en faudra pas plus pour entendre au plus près du cœur les chansons aux reflets blues et aux résonances intimes de You’re Gonna Get Love, ainsi qu’une sélection choisie parmi le meilleur des épisodes précédents. Des classiques revisités avec profondeur qui brilleront d’un tout nouvel éclat, tout enluminés d’un somptueux classicisme qui leur ira à ravir.
par Pascal Bertin